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Journée blanche

Publié le par Saintex

6e saison Vendredi 6 février 2015

Chronique des profs n°7

Nous avons retrouvé Bob ! C’est une bonne nouvelle car Bob, nous le connaissons depuis six ans et il est devenu le chauffeur de référence de nos bus moutarde. Il aime nous parler d’Ottawa, des changements que la ville a connus depuis cinquante ans et il nous accueille toujours avec chaleur.

Aujourd’hui Bob nous conduit jusqu’à la pêcherie de monsieur Schryer dans le secteur Masson-Angers à Gatineau au Québec. L’objectif du jour est particulièrement ambitieux : pêcher au moins un poisson afin d’égaler le record établi lors de la 3e édition de l’échange par Valentine L.

Journée blanche
Journée blanche
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Qu’est-ce que la pêche blanche ?

Précisons en premier lieu que la pêche blanche se pratique l’hiver au Canada alors que la pêche blanche se consomme plutôt l’été en France. Nous amenons nos collégiens au milieu de la rivière qui coule sous soixante centimètres de glace et nous prenons possession d’un cabanon pourvu d’un poêle à bois. Le propriétaire a foré vingt-quatre trous à l’aide d’une terrière et installé vingt-quatre « brimbales » qui sont des perches à contrepoids pourvues d’un fil et d’un hameçon, une par élève. Voilà pour le cadre.

Première difficulté, accrocher l’appât et le mettre à l’eau. Nous assistons alors à quelques scènes chargées d’émotion. Ludivine par exemple qui crie tant qu’elle peut, parce que le « mené », c’est-à-dire le poissonnet qu’elle tient au creux de la main, gigote désespérément et lui échappe. Il fait si frette que le poisson tombé au sol meurt presque instantanément. Elodie convaincue qu’un animal mort n’intéresse pas les prédateurs aura besoin de trois individus avant de parvenir à ses fins. Jules à force d’essayer de fixer l’appât sur l’hameçon doit rentrer précipitamment pour réchauffer sa main congelée.

Journée blanche
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Avec l’appui technique et les conseils éclairés d’André notre collègue canadien qui nous accompagne traditionnellement pour notre excursion à la pêcherie, tout est bientôt en place. Sauf Colin que la posture classique du pêcheur en faction laisse perplexe et désemparé. Comment tenir au même endroit plus de deux minutes trente?

Vous décrire le patchwork de méthodes adoptées par nos apprentis-pêcheurs relève de la gageure ! Il faut commencer par distinguer le positionnement par rapport à la brimballe puis la gestion de l’attente. Lors de la première phase, une fois le mené suspendu à son hameçon et après qu’on se soit demandé s’il ne souffrait pas trop, on s’interroge sur l’attitude à prendre.

Comme André a conseillé de remuer le fil de temps à autre, Lucas dont la perche en bois est récalcitrante, l’actionne avec vigueur, à la manière d’une pompe à incendie vénérable. Eric se fige en tailleur au -dessus de son trou et entre en méditation piscicole pour plus d’une heure. Alexia, épuisée par l’effort, s’allonge près de sa brimballe et commence son hibernation. Emma et Cindy, inspirées davantage par le castor que par le poisson de rivière s’engagent dans la réalisation d’une œuvre d’art impérissable, la sculpture d’un castor sans queue, espèce rarissime (voir les études réalisées à ce sujet dans les chroniques de la première édition de l’échange). Léa F restée debout à proximité de son trou de pêche, entreprend avec minutie d’animer sa ligne de mouvements réguliers et de briser la pellicule de glace qui se forme rapidement à la surface de l’eau, le frasil pour reprendre le terme québécois approprié. Le trou de Colin n’a plus de propriétaire. Ne sachant trop quoi faire Mathilde M. s’assoit à proximité du sien mais de manière à surveiller les allées et venues des uns et des autres. Eva se recroqueville sur elle- même dans la vaine attente d’un hypothétique poisson. Théo, dont l’altruisme nous est maintenant connu depuis qu’il a partagé ses gains de lauréat du quizz en vingt-sept parts égales, voici une semaine, écume les trous de ses camarades partis se réchauffer pour les délivrer de l’emprise de la glace. Florine, tout comme Séveriane, ne quitte pas l’ouverture des yeux –du moins les premières minutes-. Jean qui s’interroge sur la présence de morses dans la rivière des Outaouais réalise un superbe tumulus de l’ère glaciaire. Ludivine discute avec Anna qui discute avec Eva. Rose profite de la lumière douce d’un soleil hivernal.

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Les cadavres s’accumulent. Les cadavres de poissons veux-je dire. Aussi assistons-nous à trois cérémonies funéraires particulièrement émouvantes au cours desquelles sont inhumés successivement Momo, poisson-pilote sacrifié à l‘autel de l’inexpérience, puis divers membres de sa famille fauchés par des hameçonneurs maladroits. Colin, le bien-prénommé, conduit les funérailles auxquelles ne participent que les intimes des disparus soit Mathilde M, Florine, Violette, Lucas, Noé et Léa G. Puis le maître de cérémonie prononce un dernier hommage en l’honneur de chacun des menés disparus. (on les appelle les "menés à leur perte")

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Pendant ce temps, nombre de nos collégiens ont battu en retraite jusqu’au cabanon afin de préserver orteils, doigts et bout du nez. Sur la glace, ne demeurent bientôt plus que Léa F, Théo, Alexia et Eric.

Les profs curieusement ne sont pas thermo-protégés non plus et quelques replis ponctuels très stratégiques sont nécessaires surtout après avoir photographié des dizaines et des dizaines de fois ces jeunes gens. Au fil du temps beaucoup finissent par pêcher par procuration et par négligence.

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C’est alors que l’on craignait de repartir bredouille que Léa F, assidue à son poste, pêcheuse d’instinct, technicienne hors pair, a levé vers le ciel un bras triomphant. Dans sa main, elle tient une perche magnifique, pas une perche olympique non, mais une perche visible à l’œil nu et fort sympathique. William se hâte de se faire photographier avec le poisson histoire d’immortaliser l’évènement. (Mais cagoulé et pourvu de ses lunettes de soleil, personne ne peut l’identifier… !)

Ce succès inespéré a incité plusieurs élèves à reprendre le chemin de leur brimballe. Alexia et Eric qui ont persévéré ne quittent pas l’ouverture des yeux mais en vain ; aucun autre poisson, ni perche ni truite, ne daigne plus mordre à l’appât. Mais c’est Théo, tout particulièrement, qui est le plus dépité.

Léa, héroïne du jour, a reçu le premier prix des mains de la présidente du jury international, madame Antonini, soit un Obama cookies, biscuit spécialement conçu pour la visite du Président des Etats-Unis en 2009. Comme quoi la pêche blanche, c’est du gâteau !

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Nous retournons voir Bob qui nous explique le fonctionnement du traversier qui nous ramène du côté ontarien de la rivière. André nous précise que les bateaux et les deux rives appartiennent au même propriétaire qui bloque par ses exigences financières tous les projets de pont depuis vingt ans.

Après le fleuve, la mer. En effet, notre vaillant bus duquel on ne voit jamais rien, parce que toutes les vitres sont couvertes de glace à l’intérieur faute d’un chauffage suffisant par – 20°C, nous amène au bord de la Mer bleue. Cette tourbière vieille de 7 700 ans est l’habitat de nombreuses espèces végétales et animales rares ou peu communes dans la région. Elle offre surtout 20 kilomètres de pistes de ski de fond et de raquettes.

Journée blanche
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Chausser des raquettes à neige n’est pas à la portée du premier tennisman venu. Et nos jeunes gens appellent vite au secours. L’attache arrière notamment pose problème à beaucoup. A la différence d’Obélix, ils ne parviennent pas à savoir si la sangle y est.

Puis nous nous aventurons dans la forêt en prenant (théoriquement) soin de ne pas piétiner les rails de ski de fond. Pas facile quand votre pointure passe de 36 à 75 en dix minutes !

Très vite notre groupe s’échelonne le long du chemin. Jean trimballe avec lui toutes les branches qu’il rencontre, Léa G creuse des trous entre les arbres à grand coup de postérieur effrayant tous les écureuils à dix lieues à la ronde. Anna se couche partout où elle peut.

Journée blanche
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A l’avant Colin et Lucas mènent la danse. Ils s’en prennent sournoisement à monsieur Legay convaincus d’entraîner tout le groupe derrière eux. Sauf que le groupe en question n’en était pas convaincu ou alors pas entraîné. Colin qui avait déjà dégusté un plat de neige canadien le matin après avoir provoqué monsieur André récidive l’après-midi mais avec une recette artisanale de son professeur de Sciences de la vie par terre.

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A l’arrière, Jean a posé ses emplettes de branches et rejoint Eric et madame Antonini qui dialoguent pacifiquement avec des chikadees. Auparavant, et avec beaucoup de tact, il a demandé : « Il y aura un voyage au Canada l’année prochaine ? »

- « On verra en mai » a répondu madame Antonini

-« Pour les 3e ? » ….

sans commentaire !!

Quant à William, il disserte savamment sur l’inutilité de cette invention des Amérindiens, persuadé qu’il irait plus vite sans ces fichues raquettes.

Journée blanche
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A mi-chemin, une partie de l’effectif s’affaisse dans la neige. « Combien de temps, il nous reste m’sieur ? », « C’est encore loin ? », « j’en peux plus ! ». Monsieur André réconforte tout le monde en annonçant que nous avons fait la moitié du parcours. Le concert de plaintes et lamentations reprend mollement puis chacun se relève et une raquette amérindienne après l’autre repart logiquement en file indienne.

Un peu plus loin, nouvelle escale auprès de nouvelles mangeoires de chikadees, autrement dit les moineaux forestiers, qui se montrent très familiers et se posent volontiers sur les mains et un bras, à part celui de Violette qui hurle quand un pauvre volatile choisit de s’y arrêter. Séveriane, Jean, Emma, Noé et Léa G s’y attardent volontiers.

Mathilde M et William, dans le silence ouaté de la forêt, nous font obligeamment partager leurs goûts musicaux enregistrés sur leur téléphone…….

Au total, nos vaillants marcheurs ont parcouru 4,5 km à travers les bois et regagnent harassés le Bobus qui nous attend.

Retour à l’école, dernières recommandations avec notamment l’impérative obligation de nous adresser le compte-rendu de la fin de semaine avant dimanche soir, 22 h !

Voici déjà neuf jours que nous sommes en Ontario dont sept avec des bordées de neige.

Malgré le vent hiémal du matin, ce fut une belle journée hivernale, une journée à marquer d’une pierre blanche.

Monsieur DR

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L
Quel plaisir de vous voir tous profiter de ce merveilleux voyage avec ces superbes paysages ! Quelle récompense après la bataille des petits et grands contre les péripéties de départ ! Et quelle satisfaction lorsque l'on entend son enfant dire "maman j'ai l'impression d'avoir beaucoup grandi pendant ce voyage. J'ai appris à découvrir un super groupe. J'ai rencontré de trop belles personnes. Et en plus j'ai appris des super trucs en m'amusant ! Je suis trop contente." Quoi dire d'autre face à tant d'enthousiasme ? MERCI
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S
On commence la journée avec vos récits et photos:un vrai plaisir.on sent que derrière cagoules et bonnets,les personnalités se révèlent...le voyage dans le voyage.bonne journée à tous.
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M
L'annee prochaine ce sont les parents qui partent et nous on sera sage
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M
Alors ça c'est une rudement bonne idée!!